Vous qui passez sans me voir

"- Mais, c'est absurde, on ne vas pas prendre l'avion comme ça, à minuit. Et en soutane!

- Mais qui vous parle de prendre l'avion? Nous sommes des acteurs, non? Vous allez me raconter tout ça et on le rejouera ensemble! Allez hop, on se change."

C'est avec cette énergie-là, envolée, que Marie séduit Pierre, mais pas comme il l'attendait.

Et c'est parce-qu'il est séduit que Pierre livre, et se livre enfin, libérant ainsi et Marie et lui-même d'une histoire pesante, restée suspendue, en point d'interrogation.

Marie, elle est si belle, dans son âge d'abord, dans son jeu, conscient ou inconscient, de charme innocent, ses douleurs secrètes et sa farouche volonté de:

"- C'était la sortie de la guerre.  Nous avions vu tant de morts[...]. Celles-là me touchaient de près, mais ça n'était après tout que deux morts de plus. C'est à ce moment-là que j'ai pris sciemment le parti de la Vie!".

 

Pierre, emmêlé dans un sexisme moderne, "dégueulasse", des "hormones qui le rattrapent", un passé enseveli de passion, de raison, de trahison, est pourtant si profondément vivant, attendrissant, vrai s'il en faut.

 

Par petites touches, Sébastien Biessy, l'auteur et metteur en scène, tisse pour nous une toile discrète, délicate, entre guerre et fanatisme, de ce qui se joue, en nous et à plus grande échelle.

 

Béatrice Biessy, qui incarne Marie, m'a donné envie de vieillir, et Yves Chambert Loir, incarnant Pierre, de mieux aimer mon compagnon, qui lui ressemble.

Je remercie Sébastien Biessy pour cette valse entre avant et maintenant, ses transitions portées, magiques, ce regard enfin qui est aussi doux à la scène qu'à la lecture.

A la Scala Provence, Festival d'Avignon, jusqu'au 29 juillet, 16h30 (relâche le 24).

 

Vous qui passez sans me voir

 

Retour à l'accueil