Le village de l'allemand
27 juil. 2023Au sortir de la pièce, je suis émue, triste, fatiguée, désarmée. J'ai l'impression d'avoir fait un grand voyage. Lili
Le village allemand, ou le journal des frères Schiller
(de Boualem Sansel, adapté à la scène par Thierry Auzer, création 2023) se regarde comme une série, mais avec l'émotion du vrai en plus. Comprenez que c'est CLAIR, comme au cinéma, comme de l'eau de Roche, on est pris. C'est presque clairvoyant si le mot voulait dire "éclairant", ou voir à travers.
Les jeunes, la banlieue parisienne, l'Algérie, puis le nazisme qui vient se refaire une place dans un quotidien éloigné, le pense-t-on, de tout cela.
Une bande son tonifiante (Liza Minnelli dans "Cabaret") comme un appel à la vie, alors qu'on découvre l'horreur qui entour les camps: la collaboration, ou la contribution à l'action.
Comment a-t-il pu? se demande son fils qui repart sur les traces de son père pourtant tellement aimé et respecté, là où il a vécu, dans un petit village d'Algérie, à Aïn Deb, près de Sétif.
Décor de murs pierres mixé au confort d'un pavillon, puis aux intérieurs plus spartiates des amis du village qui accueillent d'abord Rachel, le grand, celui qui découvre en premier, par hasard, la nature de leur père, puis Malrich, le second qui, pour la mémoire de son frère, se lancera aussi sur les traces de son passé.
Le présent ne comprend rien à rien. Qu'importe.
Certains toutefois tempèrent, comme ce commissaire paternel, patient, comme cette belle-soeur compréhensive, aidante, bien que cherchant à reconstruire sa vie loin de ce souvenir de malheurs que son mari lui propose désormais. Même pas le sien, mais celui de son père, aujourd'hui décédé, et avec qui il n'a même pas grandi. Et pourtant...
Le public ressort KO de cette pièce si juste, brillamment interprétée, particulièrement par le narrateur, le cadet, Malrich (Valérian Moutawe), premier sur scène.
J'ai été frappée immédiatement par sa présence, le fait qu'on l'attende, nous, public, quand il est là, prêt, sur l'avant gauche de la scène. Le spectacle n'a pas encore commencé, il est donc légitime de l'attendre, mais lui, on l'attend d'une façon particulière, comme si on buvait déjà ses mots, comme si la profondeur de ce qu'il avait à dire parvenait déjà jusqu'à nous, alors qu'on ne sait même pas encore s'il va parler du tout.
Valérian Moutawe (alias Malrich) est poignant, synchro dans cette histoire, dans cette salle, comme le sont également tous les autres, parmi lesquels, Alexandra Nicholaïdis dont j'admire le jeu multiforme, incarné, et Nicolas Moisy, que l'on retrouve, tous deux, dans "Le 4ème mur".
On ne peut pas rater cette histoire de notre Histoire, qui pourrait paraitre si petite, si infime par rapport aux millions d'autres, au sortir de la seconde guerre mondiale (et d'autres). ça nous aide à comprendre, à se rappeler que ...non, ça n'est pas que passé, on porte tout cela en nous, encore.
Le village des Allemands, Grand Prix RTL-Lire 2008, Grand Prix SGDL du Roman, Prix Louis-Guilloux, Prix Nessim-Habif 20078.
Compagnie Les Asphodèles du Colibri
sur une idée originale de : Thierry Auzer.
mise en scène: Luca Franscheschi.
Diffusion spectacle : 06 45 56 34 53 - compagnie@asphodelescom
Compagnie Les Asphodèles du colibri
21 rue du Dauphiné 69003 Lyon
04 72 61 12 55